Je rejoins bien davantage ta vision que celle de Pellitteri qui se base sur une situation géopolitique du Japon au moment de la création de GOLDORAK et non avant. Or je pense que l'auteur s'est inspiré, consciemment et non consciemment, d'un vécu antérieur et notamment de son enfance.
Voici la suite, Gigi tu vas adorer la fin !
p. 262 et suivantes
Ce qui est sûr, c’est que dans les années 70, le climat politique et culturel a souffert des tendances citées plus haut. Le pacifisme était appréhendé à un niveau intergénérationnel, le pays retrouvait de l’estime de soi mieux équilibrée comparée à sa position internationale et plus spécialement en référence à ses relations avec les USA, ces relations s’étaient durablement « réchauffées », en particulier au moment de l’apogée des tensions politiques dans l’Est de l’Asie, avec le retrait ruineux des troupes américaines du Vietnam (1975), la montée en puissance des Khmers rouges et de Pol Potau Cambodge (1975-76) et la dernière étape du règne de Mao (mort en 1976).
En d’autres termes, le Japon faisait partie d’une zone géopolitique et d’une période historique dans lesquelles il convenait de faire très attention au développement incontrôlable des puissances totalitaires politiques et militaires de type communiste et socialiste. Le pacifisme interne du Japon, ressenti comme valeur nationale fondamentale, s’est trouvé renforcé par la certitude de recevoir la protection militaire des USA. En conclusion, la situation était telle qu’il devint évident que le monde était divisé en coalitions, totalitaires d’un côté, démocratiques de l’autre, comme cela fut évident pendant la Guerre froide et les conflits locaux qui eurent lieu après 1945.
Il est donc aisé de voir, dans de nombreuses narrations de la science-fiction japonaise de l’époque, les manifestations de cet inconfort, ressenti par de nombreux japonais, parmi lesquels il n’y a pas de raison d’exclure les auteurs de mangas et d’animés. Ainsi, pour revenir à GOLDORAK et boucler la boucle, si Actarus et Goldorak sont une allégorie des américains, nous pouvons imaginer que les forces de Véga sont les envahisseurs totalitaires. Leur couleur politique supposée n’est pas précisée et cela est due au fait que les japonais, depuis l’après-guerre, ont rejeté les deux types de totalitarisme : le fascisme comme le communisme. Et après tout, comme nous l’avons vu, les apparences et traits des extraterrestres ennemis sont mixtes et combinent des allusions tant fascistes que pseudo-russes. Néanmoins, il est juste d’imaginer que la référence, voilée, consciente ou non, est celle des communistes, du fait de la situation politique internationale et les relations de coopération entre japonais et américains.
Si nous voulons bien l’accepter, cette représentation symbolique a davantage de valeur dès lors qu'on la relie aux critiques que la série animée a reçues de beaucoup d’italiens de gauche en 1978-79, après l’arrivée de Godorak sur les écrans (…) Bien qu’il n’y ait pas eu la moindre idée de possibles symboles idéologiques dissimulés dans les combats de Goldorak contre ses ennemis – les adultes ont réagi du fait des raisons esthétiques et pédagogiques d’une tout autre nature –, ce furent les communistes qui se déchaînèrent le plus, de façon virulente, contre cet animé (et d’autres). (…)
VI.4. A latere : le succès de Goldorak au Japon.
Goldorak ne fut pas aussi populaire dans son pays qu’en France et Italie. Dans ces 2 derniers pays, le robot de Nagai représentait pour de multiples raisons un cas médiatique à part pour les jeunes de la fin des années 70 et du début des années 80. Mais pour d’autres raisons, il a reçu un accueil plutôt tiède de la part des enfants japonais.
A la question de savoir pourquoi, Nagai répondit lors d’une interview ceci : « (…)
En fait je ne sais pas très bien pourquoi. Mais si je dois formuler une opinion, je dirais que lorsque Mazinger Z a été diffusé au Japon, le succès fut phénoménal et s’est prolongé avec Great Mazinger et lorsque Goldorak est arrivé, les jeunes japonais avaient déjà l’habitude des robots géants, pas seulement dans mes animés. En France et Italie, Goldorak était le premier et son succès fut donc comparable à celui de Mazinger Z au Japon » (1999).
Une autre question portait sur l’opinion de Nagai sur les nouveaux concepts qui, dans les animés à robots, sont venus après Goldorak : «
Lorsque j’ai créé Goldorak et mes autres robots, j’ai mis l’accent sur le robot lui-même, comme si je pouvais faire en sorte que mes robots ressentent ce que les personnages ressentent. Les robots qui sont venus par la suite étaient davantage des machines de guerre utilisées par l’homme et ont été totalement dénués de ce côté sentimental. Ils ne perçoivent plus du tout les émotions dont j’avais moi-même voulu doter mes robots »