L'échec commercial au Japon

De Wikirak
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Avant propos : A part quelques épisodes de-ci de-là, les audiences de UFO Robo Grendizer ont toujours été bonnes et, on peut le dire, presque aussi bonnes que Mazinger Z (21% contre 22% de moyenne). De ce point de vue, la légende d'une série boudée par le téléspectateur n'est qu'un mythe.

Sur le papier, la série a été pensée et réalisée comme un super-Mazinger boosté aux amphétamines, surfant sur le succès du film-test (voir le "film pilote", Uchû Enban Dai-Sensô), la présence de l’idolâtré Kôji Kabuto (Alcor) et le nom de Gô Nagai : un budget à la hausse, un très bon scénario, une qualité de l’animation exceptionnelle, le retour d’un personnage qui est un héros national (Kôji) et une beauté plastique permettant de fabriquer de sublimes reproductions.

Popy, filiale de Bandaï, est le commanditaire de la série et anticipe un succès phénoménal par la surproduction de figurines qu'elle ne doute pas voir se vendre comme des petits pains. Si nous pouvons comprendre cet empressement, nous ne pouvons pas l'excuser car il est l'élément clé de la réputation d'échec de la série.

Malgré un bon début et des taux d’audience supérieurs à Great Mazinger, les premiers courriers que la Tôei reçoit des téléspectateurs sont négatifs : la position de second couteau donnée à Kôji , l’idole des jeunes, déplait énormément.

Dès le premier épisode, cette mise en retrait du personnage a pu en effet paraitre bien choquante pour le japonais alors que, la semaine précédente, il sauvait encore le monde avec son Mazinger Z.

Kôji n'est pas présent au générique d'ouverture, alors que la série a été lancée en insistant beaucoup sur son grand retour. En revanche, s'y étalent toute la flamboyance d'un nouveau personnage vêtu de rouge (la couleur du héros) et la magnificence du robot-titre lors d'un extraordinaire montage sublimement découpé et animé. Il est donc probable que le téléspectateur "rentre" dans l'histoire avec, non pas une inquiétude, mais une certaine interrogation.

Dans ce sens, la première scène ne peut que l'alarmer puisque, aux commandes d'une ridicule soucoupe sans armement et portant désormais du bleu, la couleur du second dans la tradition de ces séries, le jeune homme se promet de ne plus se servir de Mazinger Z, le robot-star de cette période au Pays-Du-Soleil-Levant.

Ce premier épisode s'écoule rapidement et, au bout de vingt minutes, les éléments sont posés : Kôji n'est pas le héros et il est très limité par rapport à ce nouveau défenseur de la Terre aux facultés physiques extraordinaires. De plus, il a développé des rapports d'un fraicheur polaire avec celui-ci qui, au vu de leur toute première rencontre, en est quand même un peu coupable. Cela a-t-il eu un impact sur les sentiments du téléspectateurs envers le prince extraterrestre? C'est plus que probable et les premières impressions sont difficilement effaçables...

De plus, pour ne pas faire de l’ombre au calme et posé Daisuke Umon/Duke FLeed (Actarus), LE héros du feuilleton, Kôji a vu son caractère modifié et, très vite, on le découvre jaloux et envieux. Son impact sur l'histoire et les conséquences de ses actes sont plutôt décevants. En effet, si dans Mazinger Z toutes les catastrophes que le jeune homme provoque finissaient toujours par lui profiter, il est ici un "boulet", celui qui, à chaque fois, prend la mauvaise décision, se précipite de façon impulsive, celui qui se trouve là où il ne faut pas et que Duke Fleed doit sauver en mettant sa propre vie en danger.

Le studio, qui voit comme légitimes tous ces reproches, tente de corriger le tir et, après une dizaine d’épisodes, Kôji se voit bonifié, il sauve même Duke Fleed plusieurs fois alors que tout semblait perdu. Au fur et à mesure que la série avance, Kôji monte en puissance, certains épisodes étant construits autour de lui et son temps de présence à l'antenne surpasse souvent même celui de Daisuke. Mais c'est au final toujours le pilote de Grendizer qui remporte la victoire et cueille tous les lauriers. Ça, les scénaristes ne peuvent le modifier dans l'immédiat et il faudra attendre longtemps avant de voir Kôji détruire son premier monstre-soucoupe.

En conséquence, certains fans du personnage, écœurés du traitement réservé à leu idole qui, pour eux, ne peut pas occuper une autre place que celle du héros, s'en vont petit à petit et, si cela nuit à l'audience, cela ne sera visible que dans la dernière saison puisque cette audience restera excellente pendant les trente premiers épisodes et entre bonne et correcte pendant la douzaine suivante.

L'évolution de Hikaru Makiba (Vénusia) dans l'histoire est également montrée du doigt car l'entrée au combat de la jeune fille se produit pendant l'été (1976) et l'épisode en question a une audience catastrophique comparé aux quarante et un premiers chapitres. Mais en juillet et août, les audiences baissent pour remonter dès la rentrée, c'est une règle à laquelle n'échappe aucun programme télévisé au Japon et qui vaut aussi pour Grendizer. L'impact de cette évolution du personnage n'est donc pas avéré.

Dans la troisième partie de la série, les téléspectateurs observent certainement mieux à quel point certaines scènes sont de simples recyclages de leurs séries antérieures mais, globalement, c'est le subtil changement de ton qui provoque leur lassitude. Cette dernière saison est axée sur l'action, les scènes comiques disparaissent, les instants bucoliques au Ranch de Rigel auxquelles elles sont liées se raréfient et l'ambiance, finalement, perd en humanité, c'est la guerre ! Les tactiques de Véga deviennent le pilier du scénario et, ayant comme nous venons de le dire un parfum de déjà vu, c'est donc naturellement que l'audience s'effrite. Mais jamais de manière inquiétante.

Passé l'été, cette audience ne redescendra qu'en une seule occasion en dessous des 15% (épisode 66 du 2 janvier 77, 12%) et il est peu probable que la chaine de télévision s'en soit inquiétée vu la date. Devant notre ignorance des contrats liant les diverses parties, il nous est impossible de dire si elle ne pouvait que réclamer l'arrêt de la série ou si, au contraire, elle avait le pouvoir de l'obtenir. De toute façon, Fuji TV n'avait aucune raison de désirer cet arrêt.

Jeeg et Gaiking, deux autres séries de la Tôei, contemporaines de Grendizer et à la mise en chantier desquelles Gô Nagai a participé, souffriront de la même redondance mais, évoluant dans un univers différent, ne proposant que des personnages originaux et étant bien plus courtes, elles en pâtiront moins. Pénétrant mieux dans le cœur du téléspectateur japonais par leur plus grande fraîcheur, cela leur permettra plus tard d'avoir le remake télévisé qui manque encore à notre série fétiche.

Si d'autres séries comme Yamato, Gundam et Albator84 furent sacrifiées en raison d'audiences allant de mauvaises à catastrophiques, ce qui laisse penser que les stations de télévision avaient leur mot à dire (Il n'y a quasiment eu aucun merchandising pour Gundam en 79), ce facteur-là ne touche évidemment pas Gredizer puisque son taux d'écoute est globalement très satisfaisant, ce qui prouve que la série plait aux masses. Mais elle est jugée sur un autre maitre-étalon, celui pour lequel elle a été spécialement conçue : Le volume de ventes des produits dérivés.

Quand l'audience est mauvaise, les jouets ne s'écoulent pas mais, répétons-nous une dernière fois, l'audience de Grendizer est très bonne ! Or, à l'encontre de toutes ses prévisions et de sa logique, Popy reçoit peu à peu d’inquiétants retours de ses clients : ses superbes produits à l'image de GRENDIZER ne se vendent pas aussi bien que prévu ce qui, dans son langage, équivaut à "ils se vendent très mal". La compagnie en informe la Tôei qui se retrouve bien embêtée car le studio est dépendant du fabriquant de jouets, celui-ci est le partenaire commercial à ne surtout pas froisser.

La série a été créée uniquement pour enrichir le fabriquant de jouets, au vu des stocks déjà produits, c'est une nécessité absolue de vendre du GRENDIZER, par tous les moyens. On le constate d'ailleurs de façon frappante dans les publicités de l'époque : Popy y met systématiquement en avant les produits à l’effigie de GRENDIZER au détriment de ceux d'autres robots contemporains dont elle a les droits comme Getta Robo G, Raydeen, et plus tard Gaiking. Il est donc hors de question de retirer la série de l'antenne, GRENDIZER doit être visible à l'écran.

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Il est à noter que Jeeg est sponsorisé par un concurrent de Popy et que cela pèsera lourdement dans l'abandon d'un court-métrage prévu entre les deux robots, ce qui aurait peut-être fait du bien à la série.

Nous remarquons aussi que ce sont toujours les mêmes jouets qui sont montrés dans ces publicités. Or, quand une gamme plait et se vend bien, on l'étend par la création de nouveaux modèles, on l'a bien vu avec Mazinger Z, décliné dans tous les formats, lui et ses machines annexes. Mais les petits Japonais n'ont même pas droit à un minuscule Double Spacer (Alcorak), produit pour quelques yens, pouvant s'accrocher au dos du petit Shogun Warrior. C'est pourtant Kôji, l'idole de la jeunesse, qui le pilote ! C'est donc qu'il existe déjà un gros problème avec les produits dérivés issus de la série. Il est inutile, évidemment, de penser aux ultérieures machines des deux jeunes filles, nous ne les verrons pas non plus déclinées en jouets.

Il faut donc se rendre à l'évidence : très tôt, la production de figurines s'est arrêtée car il faut d'abord écouler le stock préexistant, conséquent.

Introduire les Mazinger ?

La question d’introduire les Mazinger dans la série s'est très probablement posée, mais, de 2 choses l'une :

1- Ou bien Tôei cherche à le faire pour mettre Kôji sur un pied d'égalité avec Duke Fleed et Gô Nagai refuse,

2- Ou bien (plus improbable) Gô Nagai cherche à le faire pour faire évoluer la série vers ce qu'il voulait au départ (God Mazinger) mais Tôei refuse pour rester sur sa position (l'intrigue doit rester un développement du film UEDS).

Dans tous les cas, l'introduction des Mazinger ne se matérialisera jamais. En ce sens, il faut sans doute voir le court-métrage Grendizer contre Great Mazinger (Sorti au Japon la veille de l’épisode 25), comme une tentative de montrer toute la valeur marchande d’un Kôji Kabuto combattant avec les mêmes moyens que Duke Fleed.

Le géant du jouet, très inquiet et qui devait suivre la situation de très près, est-il intervenu ? C'est très possible. Relancer Mazinger ne l’intéresse pas nécessairement, d'autant plus que tout le monde a déjà sa figurine. Ce dont il a impérativement besoin, c'est de vendre rapidement les reproductions de GRENDIZER dont ses dépôts regorgent. Le retour du premier robot aurait logiquement éclipsé le second, ce qui est à l'opposé de ses intérêts financiers. Peut-être que la Tôei a également fait ce raisonnement, mais tout cela reste du domaine de la supposition.

Conclusion

Popy, lassé d’espérer en vain, demande l'arrêt du feuilleton, le fabricant de jouets se retrouvant alors avec un stock monstrueux d’invendus dont certaines pièces pourront parfois resservir sur d'autres jouets. Un an plus tard, ces "jouets de trop" viendront combler de bonheur les petits français et italiens.

Malgré cet échec purement commercial, la série, de par ses qualités intrinsèques, notamment la beauté du scénario et du concept robot/soucoupe, prend tout de même une place dans le cœur du public japonais et des fan-clubs naîtront pour la faire vivre au Japon. Le personnage de Maria Grace Fleed (Phénicia), fiancée à Kôji dans certaines suites alternatives récentes, a particulièrement marqué les esprits et est de nos jours encore très populaire au Japon, mais c'est une exception.

Pour beaucoup de Japonais et de téléspectateurs des pays où Mazinger Z fut diffusé avant Grendizer, la série restera celle où "Daisuke/Duke Fleed joue la nounou pour Kôji", ce qui, même si un regard plus attentif révèle que cela est faux, n'est pas une étiquette bien glorieuse et sera un fardeau assez lourd à porter.

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La Tôei, avec quasiment la même équipe, mais avec le graphisme des machines confié cette fois-ci à Leiji Matsumoto, le père d'Albator et de Galaxy Express 999, remplacera Grendizer par Danguard Ace dès la semaine suivant l'arrêt de la série.

Son audience moyenne sera de 17.1%.