J’ai fait restaurer ma Game Boy de 1994. 30 ans déjà. Je me revois en train de l’acheter, au magasin Printemps dans le 9e arrondissement de Paris. A l’époque, le rayon des jeux vidéo était tout en haut, 5e ou 6e étage.
Pourquoi cet achat ? Aucune idée. J’avais déjà un peu joué à cette console quand elle était sortie en 1989, dans le même Printemps, il y en avait en démonstration. Jouer gratuitement à Tetris tout l’après-midi au lieu d’aller en cours ? On s’est pas gêné avec des potes ! Le souvenir était agréable. C’est sans doute pour ça que je l’ai achetée. Ça, et aussi jouer à Link’s Awakening qui venait de sortir en France et entièrement traduit.
Après l’avoir terminé en un peu moins d’un mois, et l’avoir grandement apprécié, j’achetais quelques autres cartouches. Kirby’s Dream Land, sympa mais la magie ne fonctionna pas. Je trouvais le jeu trop enfantin. Mega Man IV suivit. Depuis le temps que j’entendais du bien de cette franchise, il me tardait d’en essayer un. Et ce fut une purge atroce. Le jeu était beaucoup trop difficile, répétitif et bourrin. Ils sont tous comme ça en plus ! Je déteste les Mega Man depuis.
Finalement, cette console me lassa très vite. Fin 94, je remisais la Game Boy dans une pochette plus ou moins officielle que j’avais achetée je ne sais plus comment et je l’oubliais. C’est également à cette date que je larguais les jeux vidéo dans leur ensemble. Un ras le bol total. Ça faisait plus de six ans que je jouais. Avec le Minitel loué l’année précédente, je me mettais en chasse sur les sites de rencontres de l’époque et c’était bieeeeeeeeeeeeeeeen plus intéressant que de faire et refaire toujours les mêmes combinaisons sur un pad.
Vers 1996, je ressortais la portable de Nintendo et tentais une expérience. Je montrais à mon père comment jouer à Tetris. Peu intéressé au début, il se noya littéralement dans le jeu. Ça l’obséda complètement. Je reçus de vives félicitations de ma mère pour ce coup de génie :
- Bravo et merci ! Avec ton bidule là, il joue toute la journée et il ne parle même plus !
Moi ça me faisait marrer de voir mon père complètement accro à la Game Boy. Y’a pas d’âge pour ça. Il y a joué longtemps, jusqu’à devenir meilleur que moi à Tetris. Et puis une « longue maladie », qui fut en réalité assez courte, mit fin à tout ça. La Game Boy fut à nouveau rangée dans une armoire pour y rester plus de 10 ans, et Zelda et Mega Man vendus pour moins de 50 francs chacun. Quand on voit le prix de Link’s Awakening aujourd’hui…
Rencontrant
ma Rouquine en 2013, et comme je n’étais pas encore dans mon trip de retrogaming, je lui donnais cette Game Boy. Je me disais que ça lui servirait pour tester des cartouches qu’elle trouverait en brocante. La console commençait à jaunir. On sait aujourd’hui que les coques Nintendo de cette période furent fabriquées avec un plastique de mauvaise qualité, résistant très mal à la lumière et à l’air ambiant.
La Game Boy fut laissée dans la cave de ma chère et bien tendre pendant plusieurs années. Elle s’en est finalement jamais servie. Alors que je plongeais tout habillé dans le retrogaming en 2017, elle me la ramena. Elle trouvait que j’en avais bien plus l’utilité qu’elle.
La console commençait à accuser son âge et des problèmes techniques apparaissaient. L’écran avait une bande sur le côté droit où rien ne s’affichait. Et comme je suis un gros malin, j’avais laissé des piles dans la machine, et de l’acide de batterie avait fuité et entamé son travail de destruction sur les contacts. La Game Boy fonctionnait toujours mais avec du plomb dans l’aile.
Janvier 2024, 30 ans après son achat donc, je décidais de la restaurer entièrement. Même si je ne suis pas console, je lui devais bien ça. En l’exhumant à nouveau, je constatais qu’elle avait encore jauni, jusqu’à devenir moutarde (Boubou vient d’enlever son pantalon taille 68). De nouvelles, et larges, portions de l’écran avaient également disparu entre temps.
Bon, vous connaissez mon niveau en restauration. J’allais pas le faire moi-même. Alors j’ai confié le pot de moutarde à un bricoleur expérimenté. Merci à toi Christophe. Non pas Boubou, un autre...
Console reçue et démontée. A première vue, tout semble aller. Elle est sale mais c’est un détail. Il n’y a pas de casse sur la carte-mère. Le speaker fonctionne toujours et les condos n’ont pas besoin d’être remplacés.
A force de pressions, les pads en caoutchouc sont presque morts. Il faudra les changer. Aliexpress en vend, pas de soucis.
La coque et les boutons sont nettoyés. Ils sèchent.
Il est temps de s’attaquer à l’écran. Les portions qui disparaissent sont une panne bien connue sur Game Boy. Le temps fait que le câble-ruban vidéo se détache et ne fait plus contact. Il faut jouer du fer à souder pour le remettre mais c’est un travail délicat. La piste sur le côté droit est rétablie.
Le côté gauche aussi, mais il reste encore une ligne à corriger.
Perfect ! Du moins là, mais au remontage, deux lignes sauteront à nouveau, une de chaque côté. J’ai dit à mon réparateur de laisser tomber. C’est pas grave. C’était ça ou racheter un autre écran, plus moderne. Ça ne m'intéresse pas. Pour ce que je vais y jouer de toute façon…
Comme je l’ai dit plus haut, l’acide de batterie a endommagé les contacts. Ils sont dessoudés et remplacés par des neufs.
Refusant le blanchiment de la coque, parce que les résultats ne sont pas toujours nickel, ça fragilise le plastique et le jaunissement finira de toute manière par revenir, on gagnait du temps. En attendant le retour, je commandais une « ultimate cart » pour Game Boy sur Aliexpress. 3000 jeux sur une seule cartouche pour moins de 25 balles, incluant également les jeux Game Boy Color, il fallait être fou pour dire non ! Elle est rapidement arrivée entre mes blanches mains.
3000 jeux, ça me paraît beaucoup mais il y a surement des doublons. Autre avantage, une pile permet de sauver les jeux d’aventure façon Zelda et autres Pokemon.
Pour la tester, je fus surpris de découvrir que j’avais une Game Boy Color dans mon petit sac ! Je l’avais complètement oubliée celle-là. Sans doute que ma nana l’avait trouvée en brocante voilà plusieurs années. Testons ! Les roms sont classées par zones.
Il y a la dose. Amusant de se dire que 99% de ces jeux ne seront jamais joués. Oui amusant, ou pathétique selon…
Poussant le test plus loin, je voulais voir le taux de compatibilité du bazar. J’ai donc ressorti mon Super Game Boy pour Super Nintendo. Et ça marche parfaitement ! Je préfère d’ailleurs jouer comme ça, c'est plus visible. Cédant à la nostalgie, je me suis lancé dans un Link’s Awakening première version, pas la DX. C’est vraiment un très bon Zelda, et tout ça sur 500 ko... Le jeu m’a permis de débusquer une faute. Véronique Chantel, paix à son âme, n’a pas dû la voir celle-là.
La Game Boy réparée, elle quittait les montagnes de mon bricoleur pour rejoindre ma banlieue parisienne en phase de boboïsation… Une fois reçue, sertie de quatre piles, elle ressuscitait !
Elle est repartie pour trente ans.
