Mes paupières encore lourdes se soulèvent difficilement. Il me faut quelques instants pour me rappeler où je suis. Le cockpit est plongé dans la pénombre. Le ronronnement continu est plus lent, comme si le robot lui-même était plongé dans un profond sommeil. Nous traversons une région désertique où ne brille aucune étoile. La première image qui vient à mon esprit torturé est le visage de ma mère. Je me souviens de ses mains si douces lorsqu'elle nous prenait tous les deux, ma soeur et moi, dans ses bras. Je me souviens des histoires qu'elle nous racontait et qui nous emportaient dans des rêves merveilleux. Je me souviens de ses douces paroles qui nous réconfortaient lorsque nous étions tristes. Mais c'est un temps révolu qui ne reviendra jamais. Les larmes emplissent mes yeux. Je me souviens aussi d'une mélodie qu'elle avait composée elle même, une chanson décrivant les paysages d'Euphor. J'avais appris à jouer du guitt, cet instrument qui rappelle la guitare terrienne. Je jouais souvent cette "complainte d'un lointain pays" comme elle l'avait baptisée. Cette mélodie, je ne l'oublierai jamais. Dorénavant je suis seul au monde dans cette immensité. A cette pensée, le cockpit s'illumine doucement comme un lever de soleil, le ronronnement reprend sa vitesse normale, un léger souffle vient caresser mes joues comme si l'esprit de Goldorak m'avais compris, je sais maintenant que je ne suis plus seul. Mais les événements de la veille me reviennent en mémoire, l'évasion, la lutte, la fuite et la puissance de la machine que j'ai entre les mains. Plus jamais je ne veux utiliser Goldorak pour me battre, plus jamais... Serai-je entendu ?
Je consulte l'ordinateur de bord. Mon sommeil a duré près de 24 heures. L'invasion d'Euphor, mes blessures, mes privations et les sévices que j'ai subi ont eu raison de ma résistance. Je me sens mieux à présent, mais la faim et la soif commencent à me tenailler. Depuis le bouillon clair qui m'a été servi dans la cellule de verre, je n'ai rien avalé. Et à cause de mon évasion, je n'ai pas eu le temps de regarder s'il y avait des vivres à bord. Avant de remettre Goldorak en pilotage manuel, je pars donc en investigation, C'est la première fois que je pénètre à l'intérieur du corps du robot, et j'avoue que je suis un peu inquiet. Après avoir ouvert la trappe, j'aperçois dans la demi-pénombre une plate-forme reliée à une poutre permettant d'atteindre les différents paliers.
Je m'aperçois que les coursives s'illuminent et s'éteignent au fur et à mesure que je progresse. Les ressources d'énergie sont précieuses et Goldorak a été conçu selon ce principe. J'arrive enfin dans une toute petite pièce dans laquelle sont entreposés plusieurs cartons. Peut être des pièces de rechange pour le robot ? Quand j'ouvre le premier carton, je pousse un soupir de soulagement. Il y a des sachets d'aliments deshydratés. Dans le deuxième, des bouteilles d'eau. Ce ne sont pas des aliments frais, mais maintenant c'est mon seul moyen de survivre. Je souris intérieurement en pensant que sur Euphor, j'en avais goûté et je les avaient en horreur. Aujourd'hui, je les trouverai certainement très bons ! Cependant, je décide de ne faire qu'un seul repas par jour, j'ignore la durée de mon voyage. Un jour, un mois, une année ?
Je remonte dans le cockpit par le même chemin. Mais là, un frisson glisse le long de mon échine. Le radar de bord capte l'écho d'un appareil en approche ! Véga m'aurait il retrouvé ? Vivement, je plonge le cockpit dans le noir, j'arrête les machines. Je regarde sur le radar le point qui se rapproche inexorablement, bientôt je pourrai le voir à l'oeil nu. Pour une fois, le désert sidéral est de mon côté, avec un peu de chance, le vaisseau qui croise dans cette zone ne m'apercevra pas ou me prendra pour une météorite. Depuis que je me suis échappé, je me sens comme une bête traquée. Il faut que je retrouve mon sang froid si je veux survivre...La sueur coule sur mon front, Je sens mon coeur battre plus fort, j'ai les mains crispées sur les manettes, au cas où... Pourvu que cela ne soit pas un vaisseau de Véga !!! Il arrive enfin, et je peux l'apercevoir après une attente interminable. Non, ce n'est pas un modèle véghien ! Mes instruments de bord ne captent aucune trace de radioactivité. Par précaution, je préfère cependant ne pas me montrer. Je l'observe pour regarder sa direction. Il ne va pas vers la nébuleuse de Véga ! Si cela avait été sa direction, je l'en aurais dissuadé par télépathie. Il s'éloigne rapidement. Je sens mon corps qui tremble. C'est la première fois de ma vie que j'ai eu si peur. Mais ma décision est toujours intacte, jamais je ne tomberai entre leurs mains, jamais ils ne s'empareront de Goldorak ! Et c'est ainsi qu'une étoile filante, seule étoile dans ce désert spatial, vole vers son destin...